Le-Bonheur-des-Mots

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Rome est haut, et Juliette...(Mireille;;;Oups!!!)

Rome est haut...et Juliette en a assez des sept collines à gravir, à descendre, à considérer, à remonter, tout cela pour les beaux yeux de Roman qui veut intensifier son entraînement et durcir sa musculature afin que réussir le casting du calendrier des plus beaux inconnus de la planète prenne tout son sens , après une rupture familiale difficile due aux antagonismes politiques des arrière-grands-pères dont l'un fut croix de feu et l'autre meneur de grèves en 36, l'un gaulliste, l'autre pétainiste, et cependant aucun partisan de Mussolini MAIS tous deux admiratifs de Michel-Ange-, seul point commun de leurs ascendants, point commun que les jeunes gens avaient tenu à exploiter en fuguant ensemble dans cette ville mythique qui a vu tant d'amoureux -transis ou pas- y rêver de Venise sur le pont franchissant le Tibre -et non le Tigre et l'Euphrate comme l'avait longtemps subodoré Juliette, à la pensée de laquelle Roman se retrouve à coup sûr avec des papillons dans le ventre et des cœurs dans les yeux car il en est amoureux fou depuis le premier regard échangé, et bien plus que n'importe quel héros sentimental légendaire tel Tristan, Arthur, Lancelot, ou même Roméo, ce Roméo de pacotille- n'en déplaise à Shakespeare - et d'ailleurs, que connaissait-il de l'amour celui-là !

Il est beau, Roman, avec son maillot en fibre technique qui souligne son buste de statue antique, mais Juliette commence à souffrir vraiment de la chaleur et rêve d'aquabike dans une piscine bien fraîche plutôt que de fixie sous un soleil de plomb, et elle pense déjà au ristrette suivi d'un grand verre d'eau fraîche qui la réconfortera après cette épuisante virée sur les sept collines à la suite de son grand amour sportif dont elle se demande pourtant chaque jour si la gonflette de ses muscles est pour quelque chose dans son encéphalogramme plat, puisqu'ils semblent vraiment inversement proportionnels, autant qu'elle puisse comprendre cette notion à travers de lointains souvenirs de ses cours de maths du lycée, seuls cours auxquels elle prêtait attention tant la plastique du jeune enseignant lui paraissait convaincante, et d'autant plus qu'elle n'avait pas encore rencontré celui qui allait bouleverser sa petite vie bourgeoise de jeune fille bien sage ( presque ) vierge.

Elle sait qu'elle le suivra jusqu'au bout du monde, son Roman de cœur, son amant inépuisablement épuisant, ne serait-ce que pour ne pas céder à la pression familiale,...

 

 Palatin, Capitole,Esquilin, Palatin,Quirinal,Viminal,Caelius, Aventin… Jamais Juliette n'aurait pensé connaître aussi bien les noms des sept collines, déjà qu'elle n'avait jamais pu retenir ceux des sept nains de Blanche Neige qui, elle-même, les confondait souvent, surtout Simplet et Timide qui l'agaçaient tous les deux ( d'ailleurs, une fois mariée au Prince, elle les fit exécuter tout de suite parce qu'elle ne les supportait vraiment pas)... Gravir tous les jours ces sept noms propres du cours de Latin, même sur un vélo électrique, pour ravitailler son amoureux avec des canettes d'eau lui aurait paru inimaginable il y a quelques semaines, surtout sans visiter, non pas les monuments que l'on retrouve facilement sur Internet et pour lesquels il est inutile de perdre du temps en les parcourant mêlé à une foule bruissante puant la transpiration et ne comprenant rien aux explications des guides à la voix criarde et trop souvent cassée, mais les bars accueillants avec des grands verres que l'on peut boire sous l'ombrage de treilles parfumées en échangeant des regards coquins avec de beaux italiens aux yeux de braise et au tempérament de feu (à ce qu'on dit parce que Juliette n'a pas encore été infidèle à son amoureux )

 

..Juliette repense à la tête de sa mère quand elle lui a annoncé qu'elle comptait s'installer avec le prof de body-bulding de sa grand- mère, laquelle, depuis ses trente-cinq ans, se re-sculpte un corps digne d'un modèle de Rodin à coups d'infiltrations et de cours intensifs de sports divers, sans oublier les injections de botox qui la font finalement davantage ressembler à une marmotte ayant chopé un œdème de Quincke qu'à une star d'Hollywood ... encore que... Grand-père, qui avait toujours détesté le physique aryen du jeune homme , « saisi », comme il disait, frisa la crise d’apoplexie et, tandis que sa belle fille s'empressait de l'aider à retrouver sa respiration au risque de faire craquer les cicatrices de sa dernière opération de chirurgie esthétique, le père de Juliette eut la désagréable surprise de les retrouver abouchés et gênés comme deux amants pris en flagrant délit alors qu'il s'agissait juste des restes d'initiation aux premiers secours qu'avait fait sa femme quand elle était devenue cheftaine chez les Jeannettes et de son désir de maintenir en vie ce vieux monsieur chenu à la tête branlante. La nervosité des parents suite à ce malheureux incident fit ressurgir de vieilles rancunes et une critique exacerbée du physique trop parfait du jeune homme soupçonné d'avoir été conçu dans un harem nazi, jeune homme qui riposta en divulguant des passés familiaux qu'il n'était pas forcément très bon de remettre à jour quand on projette l'union de deux amoureux. Juliette, encore mineure pour quelques mois, enfermée tous les soirs chez elle, s'échappa de sa petite vie mal rangée par la porte de derrière de la salle d'attente du bureau du proviseur qui l'avait convoquée pour un banal achat d'herbe bio sous ses fenêtres ouvertes ce jour-là malgré la pluie, herbe pour laquelle il était le seul à ignorer qu'elle était cultivée par son fils dans un labo de sciences désaffecté, culture sur laquelle tous les adultes de l'établissement fermaient les yeux pour avoir leur petite consommation personnelle assurée et gratuite.

 

Juliette revoit son Roman ahuri de bonheur lorsqu' il la trouva endormie dans le nid qui abritait leurs amours, nid où elle se réfugiait habituellement quand elle séchait des cours, particulièrement ceux de philo, d'histoire, de sciences, de latin,de maths (quand c'était la remplaçante) et quelques autres...

Ils élaborèrent tout de suite le plan qui les conduirait directement dans la ville éternelle, symbole de la solidité de leur amour, cela après quelques indélicatesses financières absolument nécessaires pour profiter de la « dolce vita » le temps que se calment les passions vindicatives des darons…

 

Ivre de bonheur pendant quelques semaines, après avoir épuisé les joies de toutes les positions du kamasutra et quelques autres, Roman présenta un projet à son amoureuse qui acquiesça avec lâcheté, trop fatiguée et endolorie pour y réfléchir dans de bonnes conditions.

C'est ainsi qu' elle se retrouvait « ravitailleuse en boissons fraîches » d'un coureur de fond sans conversation et puant la sueur, qui s’écroulait sur leur lit pour dormir comme une bête dès qu'ils rentraient et se précipitait sur son rameur ou autre instrument de torture à chaque éveil nocturne …Tout cela pour que Monsieur puisse faire «  le Beau »dans un concours stupide où il avait peu de chance de se faire remarquer, son oreille gauche étant légèrement décollée suite à son refus d'obtempérer quand son instituteur de cours moyen lui avait demandé de réciter ses tables de multiplication -Ah ! C'était quelque chose les enseignants de l'école privée où ils allaient de père en fils depuis des générations ! ...

 

« Rome est haut », se dit Juliette, épuisée, dégoûtée, je vais faire semblant de perdre Roman ... Rien de plus facile, il regarde toujours devant lui sans faire attention à elle, ni aux voitures, ni aux piétons, il court, comme un animal en fuite, comme un dératé, un vrai. Il ne lui demande jamais comment elle va, ne lui propose jamais de se reposer....

 

« Envie de boisson fraîche » se dit Juliette. Elle pose son vélo contre un mur, s'attable à une jolie terrasse animée et se fait servir un verre plein de buée où s'entrechoquent des glaçons dans un jus de fruits frais et vitaminé qu'elle boit avec délectation et la certitude qu'il en coule des fontaines au Paradis.

 

Elle essuie son visage ruisselant ; on dirait qu'elle pleure ; un consolateur est là aussitôt, attentif, souriant, plein d'attentions, embaumant une de ces eaux de toilette envoûtantes dont les Italiens ont le secret...

Il parle Français avec un accent plein de soleil, ses yeux brillent, autour de son cou une lourde chaîne en or rassure sur son compte en banque, il a les mains fines de quelqu'un qui les utilise peu

« Je pars à Vérone cet après-midi. Voulez-vous m'accompagner ? »

Juliette hésite. Et puis...

Il ajoute :

« Je m'appelle Roméo. »

 

 

En oubliant que Rome est haut, Juliette et Roméo partirent en Alpha-Roméo pour la ville de Roméo et Juliette.

 

Quant à Roman, il court encore...



18/03/2018
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