Le-Bonheur-des-Mots

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Bonheur de printemps (Aline)

Ah, quel bonheur, les premiers rayons du soleil du printemps ! Beaucoup de pluie est tombée depuis hier et après la promenade avortée de la veille, l’occasion de griller une cigarette était trop tentante. C’est une promenade solitaire mais je me rends vite compte que je ne suis pas seule. Derrière le bosquet où je me suis installée, cendrier sur le caillou et cigarette éteinte dans mon vieux sachet de thé, j’entends des sifflements, chants du sud et de l’été. Ecartant les feuilles je découvre la cigale sirène écrasante de soleil sommeil parasol. Feignant ne pas m’avoir vu, elle paresse comme le lézard et continue de chanter. Genêts et jonquilles fleurissent alentours, comme un rappel de la saison.

Hantée par ce son qui ma rappelle les souvenirs de cet été, je me lève pour admirer le paysage. Il y a, cent mètres sous mes pieds, de l’eau qui bouillonne, force naturelle et blanche d’écume. J’accueille avec plaisir les embruns de cette mer agitée qui s’écrasent délicatement sur mon visage. Kiki la cigale m’a suivi, comme si elle ne souhaitait pas me laisser seule dans cette promenade. L’horizon est lisse, seulement rompue par une forme qui se rapproche de plus en plus vite. Mené par le vent, les voiles blanches gonflées, un trois mâts immense avance tout en gardant bonne distance des falaises abruptes sur lesquelles je suis postée. Ne se dirige-t-il pas vers le port ?

Œuvre de l’association de la ville, ce bateau je le connais bien. Parti il y a plusieurs mois après son baptême, il fait la fierté des habitants de la région et surtout de ma famille. Quel honneur en effet de savoir que mon frère y travaille en tant que marin ! Rêvant de nos retrouvailles, je m’élance vivement sur le sentier menant à la ville, le soleil et le vent me fouettant le visage. Sur le chemin, la cigale m’accompagne en sautant de brin d’herbe en cailloux ; elle m’a adopté.

Tout en courant, la pluie se met à tomber et une pierre sous mon pied stoppe net ma course à travers la lande. Usant de toute ma force, j’essaie de me remettre debout mais impossible, la cheville est certainement fracturée. Vraiment pas ma veine, il fallait que ça m’arrive au milieu de nulle-part, sans téléphone. Wellington, mon golden retriever n’est même pas avec moi, lui aurait pu m’apporter du réconfort ! Xena ma jument quant à elle aurait pu me ramener sans effort ! Y’a-t-il plus ironique que ma seule compagnie soit Kiki la cigale qui ne sache que chanter ? Zébrant le ciel, un éclair me sort de mes pensées douloureuses… Attendre que quelqu’un vienne, ce n’est certainement pas la bonne solution. Bouger et me mouvoir sont également difficilement envisageable. Crier… pourquoi pas. D’une voix forte, j’essaie d’appeler à l’aide mais seule la voix du silence me répond. En plus de cela, la pluie commence à tomber drue et Kiki s’est arrêtée de chanter. Fendant le rideau de pluie, une silhouette apparaît tout d’un coup en riant. Génial, la seule personne qui vient à mon secours c’est ma sœur et elle rigole comme une baleine. Heureusement, je ne lui en veux pas, il est probable qu’elle m’ai vu tomber si gracieusement, les fesses dans la boue que la raison de son hilarité se communique et je finis par moi aussi esquisser un sourire. Il y a un édifice à quelques dizaines de mètres et nous nous y dirigeons, l’une tenant l’autre, pour nous y mettre à l’abri. Jamais je n’étais rentrée dans ce lieu, perdu sur la lande. Képi sur sa tête, la sœur m’aide à pénétrer dans le bâtiment. Les yeux inhabitués à l’obscurité peinent à voir à l’intérieur mais la fragrance envoutante d’un parfum raffiné s’impose soudain à moi. Momentanément, nous nous stoppons puis elle m’intime d’avancer comme si elle connaissait cet endroit. Nous nous asseyons sur les coussins et les poufs disposés au sol, la chaleur d’un feu dans l’âtre séchant petit à petit mes cheveux emmêlés. On ne peut pas dire que la pièce n’est pas accueillante, contrairement à son aspect miteux extérieur. Puis la porte d’entrée s’ouvre avec fracas et mon frère aîné apparait dans l’embrasure de la porte. Que fait-il ici alors qu’il était sur la bateau à l’horizon il y a encore une demi-heure ? Résultat d’un heureux hasard, ces deux là sont présents aujourd’hui avec moi, échangeant un regard complice. Savaient-ils où me trouver ? Tous les jours je passe quelques heures dans la contemplation de ce paysage, ma mère a du dévoiler mes secrets…

« Une journée aussi importante, on ne pouvait pas la manquer » m’annonce mon marin de frère, béret encore sur la tête.

« Vraiment tu as cru qu’on t’oublierait » me reproche ma sœur.

Wifi sur son téléphone, bouteille de rhum sur la table, elle s’avance malicieusement avec un gâteau à la main surplombé de bougies ! Xiphophore, tel est le cadeau qu’ils m’ont fait ce soir là et pourtant… Y’a-t-il plus beau cadeau de se savoir entouré de ses frères et sœur pour sa première cuite de sa vie !?

 



15/05/2020
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