Le-Bonheur-des-Mots

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Le boa andalou (Romane)

Le Boa Andalou

 

 

Dans un petit zoo paisible d’Andalousie, Bao le boa se prélassait à l'ombre d'un arbre un beau jour d'été. Il serpentait sur son rocher puis allait dans son marécage particulier. Il regardait les humains passer à côté de son vivarium.

 

 

Bao adorait être au centre de l'attention. Il se donnait sans arrêt en spectacle, s'enroulait autour du bois à sa disposition, sifflait doucement... Les humains courageux l'admiraient, les autres étaient apeurés. Alors Bao se sentait fier et beau, si grand et si fort. C'était un boa d'environ trois mètres de long, bien choyé par les vétérinaires du parc. Tout le monde était au petit soin pour lui. Dans son espace personnel, le grand serpent régnait en maître, seul. Un petit marécage y était installé, ainsi que de grandes pierres parfaites pour ses longues siestes au soleil. La végétation qui l'entourait n'était cependant pas très luxuriante, mais les humains avaient fait leur possible pour rendre le vivarium des plus agréables. Pour s'excuser de l'imperfection du lieu, ils servaient le reptile comme un roi et celui ci mangeait toujours à sa faim.

 

 

Ce jour ci, alors que Bao se mouvait lentement mais sensuellement sur ses branches, personne ne le regardait. Le Boa ne comprenait pas, c'était pourtant lui qu'on était sensé aimer ! Qui pouvait lui voler la vedette ainsi ?

Et soudain, il l'aperçu : une humaine d'une grande beauté qui portait autour de son coup... un boa ! Quelle honte ! Cette drôle de femme était une grande et sublime créature, perchée sur de hauts escarpins rouges et moulée dans une petite robe noire. Bao n'avait jamais vu un humain habillé de la sorte, il lui sembla même que cette tenue n'était pas très adaptée à la visite d'un zoo. Cependant il ne s'attarda pas bien longtemps sur cette beauté ambulante. Il était bien trop stupéfait par le serpent que la jeune femme portait sur son cou. C'était un long boa de couleur rose qui n'avait pas d'écailles mais de belles plumes, comme celle des flamants roses que Bao pouvait observer au loin lorsqu'il se perchait sur son arbre.

Ce boa plumeux semblait mort. Il ne bougeait pas. Notre reptile ombrageux n'était pas surpris, il savait que les humains trouvaient plaisant de porter des animaux morts sur eux. Bao ne portait d’ailleurs aucune rancœur envers ses hôtes. Non, sa rancœur, elle était envers cet autre serpent, ce vil spécimen, qui, même mort, pouvait capter tous les flash des appareils photo que Bao appréciait tant.

 

 

Après ce jour, le reptile ne revit jamais cette femme, ni son boa. La routine reprit, les soigneurs, la nourriture... mais le fier serpent n'était plus le même. Il restait caché dans les branches et sous les rochers, il mangeait peu et seulement la nuit pour fuir le regard des visiteurs. Il devint terriblement timide. À chaque seconde, Bao pensait à ce boa plumeux et ce souvenir coloré de douces plumes duveteuses lui rappelait toujours plus sa propre laideur. Ses écailles froides marrons et noires le dégouttaient affreusement. Même après différentes mues, il ne pouvait s'empêcher de toujours plus haïr son apparence.

 

 

Après plusieurs mois à se morfondre et à inquiéter les soigneurs, sa jalousie envers le boa rose ne faiblit pas. Mais un jours, pris d'un dernier élan d'espoir, il décida de tout mettre en œuvre pour lui ressembler. Bao réfléchit des semaines entières, une telle transformation n'était pas à prendre à la légère. Cette rencontre, bien que déplaisante, lui avait ouvert les yeux quant à la véritable acceptation de soi. C'en était trop pour lui, il fallait changer. Il n'arrivait plus à se regarder en face, dans le reflet des vitres du vivarium. La motivation y était, mais les moyens beaucoup moins. Comment se procurer le plumage rose vif dont il rêvait tant ?

Après une longue réflexion, il eu une idée. Pour arriver à ses fins, Bao arrêta complètement de manger jusqu'à s'en rendre malade. Ainsi, comme il l'avait prévu, le vétérinaire le fit sortir de sa cage pour un examen médical. Une fois dans le cabinet, il attendit que le soigneur ait le dos tourné...

 

 

Ni une ni deux, le reptile prit la poudre d'escampette. Ce fut presque trop facile pour un serpent comme lui lui de s'échapper du centre de soin sans aucun bruit. Bao se précipita dans les allées du zoo, discrètement pour ne pas trop attirer l'attention. Il chercha sa destination pendant presque une heure, et alors qu'il commençait à désespérer, il se trouva enfin face au bassin des flamants roses. Le Saint Graal !

Les milliers de plumes qui se présentaient devant lui étaient encore plus soyeuses, plus vives, plus douces que celle du boa de la belle femme. Les écailles frémissantes d'envie, Bao se tortilla entre les grilles étroites. Arrivé de l'autre côté, il s'arrêta un instant pour observer. La tête cachée sous son aile, en équilibre sur une palme, un magnifique spécimen à plume se tenait là juste devant lui. La langue sifflante, Bao s'approcha. Encore un peu, il y était presque ! Il ne voulait que les plume pour se parer de ce costume si affriolant à ces yeux.

Alors que l'extrémité de sa gueule frôlait une douce plumette, un hurlement strident s'arrêta soudainement. Le bruit dérangea l'oiseau qui couru vers ses confrères après quelques battements d'ailes agacés. Il y eut un immense branle bat de combat à l'extérieur de l'enclos. Sous les yeux étonnés du gros reptile, la foule se mit à pointer du doigt dans sa direction, et à le regarder avec des yeux roulant de terreur. Des femmes s'évanouissaient, des enfants tombaient à la renverse en essayant de s'enfuir, et des hommes tentaient de dissimuler le tremblements de leurs jambes en barrant stoïquement la route au danger. Bao se demanda ce qui pouvait provoquer d'aussi extrêmes réactions, et soudain il comprit. C'était lui ! Lui et son physique monstrueux, tout déplumé, ils faisaient peur aux gens ! Bien qu'il en fut le premier surpris, il en ressenti une certaine fierté, et même un certain orgueil. Jamais cette femme et son boa n'avaient suscité autant d'émotions même après s'être pavanés pendant des heures devant la cage du lion ! C'était lui, Bao, le plus impressionnant, et même si il n'était pas le plus beau !

 

 

Cette petite escapade rendit à Bao toute son assurance. Il avait été ramené dans son logit par des soigneurs très inquiets sans aucune résistance. Après cela, une petite pancarte avait été ajoutée à la description sur son vivarium, racontant aux visiteurs comment son intelligence suprême de serpent l'avait mené aux confins du zoo, dans une aventure sans précédent pour aucun individu de son espèce. Les jours passèrent, Bao retrouva toute sa splendeur et son ego. Il montrait fièrement ses crocs aux visiteurs ravis de faire les plus belles photos animalières de leur vivant. Sous le feu des projecteurs et des téléphones portables, le fier serpent se sentait resplendissant.

 

Un beau matin, le fier reptile vit les employés du zoo installer un nouveau vivarium en face du sien. Pendant plusieurs jours, son résident resta caché de la vue du boa. Quelle surprise lorsque celui ci finit par l'apercevoir ! C'était un énorme anaconda de presque six mètres, musculeux et terrifiant. Même Bao se sentait tout petit et insignifiant à côté de lui. Il regardait avec envie les énormes écailles du mastodonte, les dessins noires de jais qui parsemaient son long corps brillant. Les visiteurs se pressaient contre le vivarium du nouveau venu, les enfants criaient, pleuraient parfois devant le monstre écailleux. De nouveau, Bao fut très contrarié de se faire ainsi voler la vedette par cet anaconda, et décida de tout mettre en œuvre pour lui ressembler. Mais ça, c'est une autre histoire !

 



09/07/2018
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