L'étable ensorcelée (Gérard Policand)
L’étable ensorcelée
Le GUSTIN était désolé : toutes ses vaches s’étaient mises à crever.
Tout avait commencé ce soir du premier décembre où
la MIGNONNE avait fait deux veaux…Il fallait bien les loger , ces veaux !…Alors, il avait renvoyé son domestique qu’il ne savait plus où faire coucher. Oh ! L’autre s’était bien rebiffé, il avait dit qu’il se vengerait.
Le soir même,la PILOUNE , la belle PILOUNE, la plus gentille, la plus belle, la plus grasse se tordait de douleur…Il l’avait bouchonnée, lui avait fait boire du vin chaud sucré, mais, rien à faire ! Le lendemain, il l’avait trouvée étirée dans le terret,* la langue baveuse et l’œil vitreux…
Elle était grosse, la PILOUNE, au moins 800 kilos. Il lui avait fallu lier quatre autres vaches pour la traîner dans le champ où l’enterrer !…Et creuser dans la neige et dans le sol gelé, un trou assez grand pour la faire disparaître, ce n’est pas une sinécure, je vous prie de le croire !
Trois jours plus tard, c’était la PARISE, pourtant fraîche de lait qui paraissait tarie. Elle avait l’œil brillant, le naseau sec et chaud. Elle était malade et rien à faire pour la soigner ! Le vétérinaire mandé avait bien fait une piqûre…Le soir, elle était crevée. Quelle guigne ! !
La GUSTINE aussitôt avait compris ce qui se passait : « T’aurais pas dû, je te dis, le jeter à la porte ! Il a dit qu’il se vengerait…ça peut-être que lui !…Essaye de le trouver, fais-lui des excuses…tu peux bien le loger, maintenant ! »
Mais le GUSTIN était têtu : « J’ai encore moins besoin d’un valet aujourd’hui qu’hier, et comment je le payerais, hein ? …Creuser un nouveau trou ça fait vraiment beaucoup !…
Si je demandais à MARIUS de m’aider, ça irait peut-être mieux !
_Le MARIUS !Se récria la GUSTINE, après la raclée que tu lui as donnée le jour de la foire où tu n’étais pas rentré et où il était venu m’aider à traire ! Tu penses comme il va t’aider ! »
Alors, le GUSTIN s’est remis à creuser….et à manier la pioche vous savez le picareau*, ça vous remue les méninges et ça vous aide à penser.
« Il a ensorcelé mes vaches ! » comme un trait de lumière l’idée s’est inscrite dans son cerveau.
« Ah ! Tu parles au diable ! Ben moi je vais te parler du BON DIEU »…Et voilà le GUSTIN qui vous plante un clou sur chaque porte de l’étable et accroche à chacun un crucifix.
« ARRIERE SATAN, ICI ON CROIT EN DIEU »
Mais, le lendemain, les crucifix étaient par terre, brisés…pourtant, les clous étaient solides !…
Alors, il est parti, le GUSTIN, chercher de l’eau bénite. Il en a mis quelques gouttes dans le bassin des bêtes, il en a frotté le dos de chacune…mais la petite FROMENTE paraissait mal à l’aise…
« Ah ! NON ! PAS CELLE-LA ! c’est celle que je préfère, ma meilleure bauille* ! »…Mais le soir, la FROMENTE se tordait. Le vétérinaire mandé d’urgence en perdait son latin : « Je n’y comprends rien !…Il faudrait analyser votre fourrage…
_Allons donc ! Elles sont ensorcelées, voilà ce qu’elles ont » répétait la GUSTINE.
Et d’un troisième trou en moins d’un mois, ça fait beaucoup…
Le dimanche, la GUSTINE se rendit compte que les voisins lui faisaient grise mine…Eh ! oui ! que voulez-vous ! fréquenter quelqu’un dont l’étable est ensorcelée, on ne sait pas ce que cela peut vous apporter…
Alors, la GUSTINE a demandé au curé d’exorciser l’étable….
La cérémonie a bien duré toute la journée du lundi.
Le mardi soir, veille de Noël, le grand-père est venu. Il était de RENCUREL s’y connaissait en vaches, et, des vaches qui crèvent…c’était bien le diable ! ! !
Il s’est assis, le pépé, dans le noir, dans un coin de l’étable pendant que tous les autres étaient à la messe de minuit, et il a regardé ce qui se passait.
C’est alors qu’il l’a vu LUI, LE MALIN, LE DIABLE, QUOI ! ! ! Il a vu ....*bauille= génisse *picareau= pioche-pic *terret= fossé réservé au fumier
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