Le-Bonheur-des-Mots

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La fleur de la couronne (Bastian)

 

La fleur de la couronne

Un oiseau traversait le ciel entraînant un nuage derrière lui. L’oiseau peinait à tirer cet amas d’eau beaucoup trop grand pour lui. Ce nuage si lourd de tristesse. Si lourd, que des larmes s’échappaient de lui. Des larmes lourdes, des larmes de chagrin.

Ce nuage pleurait depuis des années et ne s’arrêtait pas. Il ne s’arrêterait sûrement jamais.

Partout où ses larmes coulaient, une fleur naissait, une fleur que l’on avait nommée « La fleur de la Couronne ». Elles n’avaient besoin de rien, une fois née, elles vivaient pour les 5 années à venir.

Patrick aimait ces fleurs, mais tout le monde cherchait à s’en débarrasser, on les considérait comme des mauvaises herbes, partout où elles fleurissaient, les hommes cherchaient les exterminer.

Il avait déjà croisé des Hommes avec la même fascination que lui. La plupart d’entre eux avaient entamé un voyage pour suivre cet oiseau et ce nuage empli de chagrin. Tout le monde avait remarqué que l’oiseau passait souvent par Porta Rosa, la capitale d’Astia. Donc beaucoup organisaient des pèlerinages pour Porta Rosa. Tous prenaient des chemins différents, mais tous menaient là-bas.

Patrick avait déjà songé à les rejoindre. Suivre son envie de rejoindre la couronne. Un de ses amis avait entamé ce périple. Ils avaient essayé de maintenir une correspondance grâce aux hiboux de la ville. Mais il n’était qu’un simple villageois, tandis que son ami de toujours avait suivi l’enseignement de la grande école d’alchimie de la capitale. Son ami savait écrire. Lui non. Il avait eu honte et avait fini par arrêter de répondre. Sa cacographie l’enchaînait. Il n’osait plus répondre.

Aujourd’hui encore, il avait reçu une lettre. Son ami se trouvait à Porta Rosa, ville reconnue dans le monde entier pour ses exports de pêche. C’était bien loin de leur petit village perdu au beau milieu de la forêt de Folron.

Il prépara son sac. Il devait le rejoindre. Peut-être pourrait-il s’éloigner de ce village qui l’avait toujours rejeté.

Il allait suivre les fleurs de la couronne, pour retrouver son ami, pour continuer à suivre les couronnes et peut être percer leurs secrets.

Patrick prit dans une petite bourse tout l’argent dont il disposait. Le fait qu’il soit qu’un paysan parmi tant d’autres le limitait. Mais il en avait besoin pour se déplacer et se nourrir. Dans une besace, il mit de la viande de sanglier séché, une bouteille d’hydromel, quelques galettes de blé ainsi qu’une légère couverture. Son voyage allait être long alors autant avoir des provisions avant de s’attaquer au peu de pièces qu’il avait.

Il prit la dernière lettre de Franck et se dirigea vers la sortie du village avec ses bagages. Il était lourd, mais il avait tout le nécessaire dedans. Il ne reviendrait pas de si tôt.

Il sortit de l’enceinte du village et entama son voyage vers la ville portuaire la plus proche. Cela lui prit quelques jours, de quoi bien entamer ses réserves. Le sanglier serait bientôt épuisé. Il ne restait que quelques miettes des galettes. Il lui restait cependant assez de graines pour tenir quelques jours de plus.

Il croisa de nombreuses personnes. Des pèlerins qui rejoignait les lieux de culte de la Déesse Rhéa, des voyageurs en quêtes d’aventures et de donjons jusque-là inexplorés, des mages qui faisaient leur réunion annuel d’invocation et de dégustation de potion.

Il croisa tous types de personnes mais ne croisa pas une seule fleur de la couronne. Il avait besoin d’en voir. Elles lui manquaient. Leurs parfums qui lui redonnaient le sourire même aux moments les plus tristes de sa vie. Leur forme qui faisait des fleurs de la couronne les plus beaux ornements.

Il devait vite rejoindre Franck.

Il arriva finalement à Kokolin, la ville portuaire qui lui permettrait de rejoindre Porta Rosa. Elle était très grande, on y croisait tous types de personnes. Une grande mixité de couleurs vivait dans ce tableau superbe qu’était ce port.

Une fois son émerveillement passé, il chercha les marins pour leur demander de l’emmener jusqu’à Astia. Personne n’acceptait son offre. Chacun donnait une raison floue ou n’avait pas de temps pour l’écouter. Mais un des marins avant qu’il reparte lui dit :

« Hey mon gaillard ! Tu sais, quand on parle de pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde t’écoute ! »

Patrick commença à proposer 1 pièce d’argent de plus. Puis 2, puis 3. Et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on accepte son offre. Mais toutes ses économies allaient partir en fumée. Il décida de partir le lendemain. Cela lui laisserait le temps de voler une bourse ou deux.

Il se promena dans la ville, alla d’un point à l’autre. Il avait réussi l’exploit de dérober deux petits porte-monnaie. Il aurait de quoi poursuivre son voyage en toute sécurité et rejoindre Franck avec quelques monnaies.

Le jour qui suivit, il embarqua sur le bateau qui le mènerait à Porta Rosa. Le marin cependant le prévint qu’il le déposerait rapidement mais s’en irait très rapidement. Il avait eu des échos inquiétants qui disait que la capitale sombrait petit à petit dans la folie. Il ne comprit pas vraiment ce qu’il disait, la lettre de Franck ne datait pas de plus de deux semaines, comment la situation avait-elle pu se dégrader à ce point.

Patrick mordilla un des ferrets de son vêtement. C’était quelque chose qu’il faisait dès qu’il s’inquiétait.

Finalement quelques jours passèrent, ils se rapprochaient de Porta Rosa. Il serait bientôt arrivé. Les pêcheurs et les marins avaient partagé un très bon moment avec Patrick. Ils avaient partagé de l’hydromel, du poisson fraîchement pêché. Ils s’étaient pris d’affection les uns pour les autres. Tous lui souhaitèrent bonne chance en arborant un sourire triste. Un parfum délicat parvint à ses narines. Il aurait pu reconnaître cette odeur parmi des milliers. Tous se retrouvèrent apaisés par ce doux arôme. Ils étaient dans une douce euphorie.

Le bateau arriva à bon port. A peine Patrick eut posé un pied à terre que le voilier reprit son chemin. Il eut un sentiment de malaise très vite remplacé par l’euphorie de retrouver son ami de toujours.

L’ambiance de la ville était animée, tout était en harmonie. Il vit au loin quelqu’un l’appeler. C’était Franck ! Quelle chance qu’il soit là. Il pensait qu’il allait devoir le chercher partout ans la ville mais il était là, à l’attendre. Il s’élança vers lui, sauta pour se jeter à son cou. Un flash d’une micro seconde le stoppa net dans sa progression.

La ville était envahie de fleurs de la couronne, des cadavres et des ossements jonchaient le sol. Il n’y avait aucun signe de vie, aucune once de bonheur ou de bien-être. Aucun signe de vie, en dehors de fleurs de la couronne qui poussaient à même les os, à même la peau.

Puis tout revint à la normal.

Patrick eut une douleur au niveau de la poitrine, il avait du mal à respirer. L’angoisse le prenait aux tripes. Mais le parfum des bourgeons qu’il percevait l’apaisa et le rassura.

Franck le prit dans ses bras et l’enlaça, cela faisait longtemps qu’ils ne s’étaient pas vu. Il commença à lui parler de sa nouvelle vie dans la capitale qui était vraiment extraordinaire. Tous ici trouvaient leur place. Cela rassurait Patrick. Il avait peur que ses connaissances de simple paysan l’empêchent de s’intégrer. Son ami de toujours lui parla de son aventure, comment il était arrivé jusqu’ici. Il lui parla des nombreuses personnes qu’il avait croisées, de sorciers qui avaient eu dans leur plan de le transformer en moucherons, des nombreuses contrées qu’il avait explorées suivant encore et toujours l’arôme des fleurs, suivant encore et toujours le nuage éternellement morose. Puis il était arrivé à Porta Rosa il y avait de cela quelques semaines et il s’était plu ici. Tous aimaient la fleur de la couronne, personne ne cherchait à les détruire, le but commun était de les préserver.

Plus ils discutaient, plus l’état de Patrick se détériorait. Sa respiration était irrégulière mais il percevait toujours les effluves coronaux. Ceux-ci l’obsédaient graduellement. Les flashs devenaient de plus en plus fréquents, et étaient de moins en moins rassurants. Son corps le démangeait de gêne. Ses yeux le grattaient, sa tête, son front, il avait la sensation que des milliers de petits insectes venaient le démanger.

Ils arrivèrent enfin chez Franck. Il l’invita à passer le premier. Patrick ouvrit la porte, rentra. Une odeur nauséabonde dépassa l’odeur entêtante des couronnes. Ça empestait le cadavre en décomposition.

Sa vue devint floue, il fut pris de vertige bien plus intense que les précédents, vit son reflet dans le miroir de l’entrée. Patrick s’écroula, son cœur s’arrêtant de battre.

Des fleurs poussaient sur ses yeux, sur son front. Ses cheveux étaient tombés par plaques, remplacé par des bougeons. Tandis que sa peau elle, était pourrie, gangréné et laissait s’échapper des tiges.

 

 



30/04/2020
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