Le-Bonheur-des-Mots

Le-Bonheur-des-Mots

Grand Voyage (Mireille)

Son corps lui parut enfin insensible....
Gustave de la Mancha avança dans l'avenue fantomatique de sa mémoire...
Il savait que le fleuve était à l'étale; il eut soudain l'image de ce jardin aquatique dans son bocal de verre dont il rêvait quand il était enfant...
Les chandelles des soirées qui se prolongent éclairaient les arbustes. Il entendait la fête des voisins où le vin coulait toujours à flot. Sans argent, c'est à dire sans avarice, ils ouvraient leur porte à tous , et donc à lui, Gustave, compilateur d'un monde qui n'existait plus. Ce soir, il avait décliné leur invitation, il avait besoin de SE retrouver
Des impressions se superposaient, s'entremêlaient aux souvenirs: les larmes de cire des sombres armoires de ses parents, les trophées de chasse qui l'inquiétaient quand il était enfant, des images pieuses, un édredon rouge...Il repensa à cette statuette de la Vierge, en céramique blanche, que sa tante avait voulu tenir avant de mourir...Il repensa à celles...Il crut revoir Celle...
Il étouffait du passé, du présent, de la vie qui lui semblait meilleure parce qu'elle s'en allait, oui, il venait de comprendre que la vie s'en allait...
Il lui suffisait d'être assis, maintenant, de fermer les yeux et d'attendre ce long voyage immobile vers un inconnu qui est la destination commune à tous les êtres vivants. Il était conscient d'être le dernier mémorialiste d'un monde que personne de son entourage ne connaîtrait...
On meurt quand on en a tant vu qu'on ne peut pas en voir d'avantage. Il sourit. Il en avait assez vu.
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22/10/2013
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