Le-Bonheur-des-Mots

Le-Bonheur-des-Mots

Coronadélire (Mireille)

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Un oiseau traverse le ciel en traînant un nuage derrière lui. C'est un livre ouvert pour Tibère qui se lance à leur poursuite avec l'élégance d'un danseur étoile en apesanteur. Son esprit s'attarde sur l'instant afin de lui donner toute sa valeur dans un présent qui se fige pour éclairer de futurs souvenirs .

Une petite toux sèche le fait retomber dans la banalité de son quotidien grisâtre.

- »Où va l'oiseau ? demande-t-il à voix haute

-Il va où tu l'emmènes » entend-il nettement...

Cette fois, il en sûr, la voix est une évidence. Il reconnaît LA voix absolue, LA voix originelle !

»Si vous parlez à Dieu, vous êtes croyant, s'il vous répond, vous êtes schizophrène » marmonnait sa grand-mère . Pourtant, il ne se sent ni l'un ,ni l'autre...

 

Les nuages se rassemblent en un grand lac d'écume. Tibère en émerge , étouffe un peu.

Sur le rebord de la fenêtre, entre les feuilles du lierre qui couvre la façade, une minuscule souris fait une pause discrète.Le jeune homme recule un peu pour ne pas la déranger. Sa toux le secoue encore et surprend la bestiole qui s'enfuit entre les feuilles, apeurée par ce bruit incongru dans le silence apaisé du monde.

Tibère s'allonge ; le simoun est entré dans sa chambre, la chaleur le submerge, Tibère s'envole à nouveau, se mêle aux nuages, les portes du désert vont s'ouvrir à lui, juste après les bureaux de l'octroi où officie un penaillon à grosses lunettes,gracieux comme un sac à charbon. C'est ainsi que le définissait sa grand-mère...

 

Elle, encore !

Il l’aperçoit au plafond, voltigeant avec grâce ; ses yeux sont deux ouvertures vers le ciel.Tibère voudrait s'y engouffrer, retrouver l'apaisement des bras graciles qui l'ont tant de fois secouru.  De la poussière, pense-t-il,elle est de la poussière ,comme celle dansant dans le rayon de soleil qui brusquement émerge du ciel laiteux.Tibère a chaud, très chaud..Ce soleil doit être plus brûlant que d’habitude,  un autre soleil, celui de la fin du monde peut-être ? ...Poussière...La poussière danse, est-elle heureuse ?

 

L'air est lourd comme une tombe, sans mouvement, épuisé lui aussi...Tibère se lève avec difficulté pour boire, la toux lui fait renverser sa bouteille d'eau. Il  a de plus en plus chaud. Dehors,le paysage devient souple ;ici, les murs ondulent un peu.

Soudain , la porte s'agite, s'adresse à lui avec une voix qu'il connaît. Il n'a aucune raison de répondre, d'ailleurs, il n'a pas assez de souffle pour cela, il veut pouvoir tousser tranquillement...TRANQUILLEMENT !!!

Maintenant Tibère flotte. Il voit la porte de son logement secouée de spasmes, elle s'agite, elle s'éventre...Une femme entre dans sa chambre suivie d'un individu étrange, les deux sont masqués. Tibère ressent un amusement qui le détend au point de le faire retomber dans son lit avec la légèreté fragile d'une feuille d'automne...

 

La femme a beau être masquée, il la reconnaît...Il sait qu'ils ont souvent dormi ensemble dans cette petite chambre d'étudiant...Il fait trop chaud pour réfléchir, tellement chaud...

Le garçon téléphone. La jeune femme pleure, son maquillage coule sur le masque, le détrempe.

Au plafond , Tibère aperçoit sa grand-mère qui lui fait un petit signe de la main . Elle s'efface lentement.

Il se sent effroyablement seul.Son corps douloureux ne lui appartient plus. La chambre s'agite, des gens parlent, les murs bougent , un vacarme occupe l'espace, une lumière bleue clignote...

 

Où donc est passé l'oiseau qui traînait le nuage derrière lui ?

 



03/05/2020
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