Le-Bonheur-des-Mots

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Joulupukin Pajakylä à la Gavotte (Serge JB)

Joulupukin Pajakylä à la Gavotte

 

 

Il était une fois... !

Ah Ah ! Ça me fait bien rire !

Moi, c'est Nicholas, avec un "ch" qui se dit "k", et n'allez surtout pas me confondre avec le Joulupukin des fadaises contemporaines. Je n'ai rien à voir avec ces histoires pour débiles.

Je suis inspecteur permanent pour ne pas dire éternel, comme d'ailleurs tous mes collègues et supérieurs.

Mon boulot à moi, il est très saisonnier en fait, chaque année de Septembre à Décembre, plus exactement jusqu'au 26 inclus, pour la période de pointe, mais sinon je suis l'arme au pied chaque jour de la révolution autour du soleil fixée pour cette planète.

 

  • Marcel ! Apporte moi la bouteille d' Amrut, il doit en rester suffisamment pour me rallumer le fourneau !

 

Ah oui, je ne vous l'ai pas dit, mais Marcel est mon Premier Renne. C'est pour eux une sorte de classement au mérite, pas comme votre Premier Ministre , non. Pour devenir Premier Renne, il faut avoir été Sixième, Cinquième, puis Quatrième et Troisième Renne.

Après c'est plus difficile. On ne passe pas devant le second. Il faut attendre que le Principal décide de le muter ailleurs pour que la place se libère. Et on finit par passer Premier s'il n'y a pas de dérapage.

Et ça peut durer un moment !

 

  • Marcel, sert moi un verre ! Sans glace hein !

 

Hum ! Il est bon ce single malt des Indes. Je le ramène de mes tournées quand l' Asie centrale m'est allouée. Entre-temps j'essaye autre chose.

C'est dur ce boulot ! Toujours sur les routes à pointer les différences, vérifier si les transferts sont corrects, contrôler qu'il n'y a pas eu d'erreur ou de doublon.

Et ça, Mesdames Messieurs pour chaque tête de pipe qui braille au sortir de la matrice maternelle.

Tenez !

Depuis le début de cette année 2016, il y a eu 124 790 985 nouveaux nés à l'instant ou je vous donne le nombre. On devrait finir vers 136 000 000.

Ça vous la coupe non ? Et bien pour chacun d'eux il faut faire l'initialisation " extaso-euphorique", et là, je vous le dis, c'est pas gagné !

Moi je lève mon verre !

 

- A votre santé camarades !

 

Pour faire bref, ces légendes de lettres au père Noël, de cheminées, de commandes en Laponie et de sapins se couvrant de boites entre vingt trois heures cinquante neuf et minuit deux, je vous le dis, c'est du vent.

Et ça dure, ca dure !

On ne se rappelle même plus quand ça a commencé.

Enfin si, on s'en rappelle !

Ça a vraiment débuté il y a deux millénaires et des poussières dans vos calendriers actuels. Au début on fêtait l'anniversaire de l'arrivée de l'élu. Puis d'année en année ça c'est subitement compliqué, à cause des calendriers, mais pas que. On a toujours pensé au gamin, mais on en a profité aussi pour faire la fête à tout le monde.

Et quoi de mieux pour fêter ça ? Hein ?

Ben un cadeau bien sûr !

Mais alors posez-vous la question : comment se fait-il que tout le monde, le même jour, s'offre quelque chose ? L'habitude pensez-vous , la coutume, Pavlov?

Et bien vous n'y êtes pas du tout.

C'est là que j'interviens, modestement certes mais efficacement !

Pour le moment je me suis établi dans un quartier sous le soleil, à vol d'oiseau de Notre-Dame de la Garde, dans un nœud de routes et d'autoroute, mais au soleil. C'est important le soleil parce que j'ai passé pas mal d'années au froid, au sud également, mais tout en bas, près du détroit de Magellan vers Ushuaia.

Je m'y suis caillé les phalanges pendant une paire de siècles.

C'est beau l'été mais ça ne dure pas et le reste du temps les manchots portent une petite laine. Je me demande ce que fait le Principal quand il décide des mutations.

Deux secondes, je refais le plein d' Amrut...

 

  • Sacrebleu, qu'il est bon ! Un Jésus en culottes de velours !

 

Donc disais-je j'habite La Gavotte. Ça ne vous dit rien et ça ne m'étonne qu'à moitié.

La Gavotte c'est un chouette village près de la grande bleue.

Dans la pinède mais dans la ville, dans la furia citadine mais aussi dans la campagne. J'aime bien ce coin où la vie est rythmée par les cigales, les mois en "R" le citron, l'anis, et la longueur des robes des femmes.

Quand le Principal m'a confié le secteur il a insisté pour que je plante ma tente à cet endroit. "C'est le meilleur point de plus court chemin pour l'ensemble de votre secteur !" a-t-il énoncé doctement. A croire qu'il avait étudié la théorie du voyageur de commerce et ses fameux algorithmes.

Il sait tout le Principal, c'est l'essentiel.

Donc voilà depuis maintenant quelques lustres que j'occupe mon appart dans un petit immeuble de La Gavotte. Marcel habite l'appartement d'à coté ce qui est pratique pour la planification et les courses.

Maintenant vous me situez ?

Fermez les yeux et écoutez le bruissement lointain des voitures au touche-touche sur l'autoroute nord qui égale celui des cigales, sentez le mistral vous décoiffer pendant trois, six ou neuf jours, suivez des yeux les avions de ligne en longue finale pour la 31 gauche ou la 31 droite, c'est selon, de Marseille Provence Aéroport.

Un éden à bas coût quoi !

Mais je suis là pour bosser comme dit le Principal, et j'aurais la seconde moitié de l'éternité pour mes vacances.

J'ai un peu la tête serrée là.

Ça doit être la casquette, ou alors l' Amrut...mais plutôt la casquette. Je vais me reprendre un fond de ce whisky d'enfer.

J'en étais où ? Ah oui ! Noël !

Donc la question posée est de savoir pourquoi, quelques milliards d'individus, déchirent du papier cadeau ou un quelconque emballage, le même jour, pour s’ébahir avec des yeux larmoyants devant le fameux cadeau de Noël.

La réponse tient en peu de mots et en beaucoup de travail.

Les humains ne sont pas, à la naissance programmés pour offrir quoi que ce soit. Au contraire, il est gravé dans leurs gènes l'instinct de survie qui autorise n'importe quel moyen pour satisfaire cette seule préoccupation.

Offrir c'est autre chose.

C'est se libérer de soi pour confier a un autre, connu ou inconnu, et avec le désintéressement le plus absolu, un présent en guise d'amitié, ou d'amour, ou les deux.

Mon boulot c'est de faire en sorte que cette carence génétique soit corrigée.

Je vous vois sourire ! Vous pensez, il est fada ce type !

S'occuper de 136 millions de bébés d'homo sapiens par an pour leur coller l'envie d'offrir , c'est une plaisanterie !

Petits esprits matérialistes va !

D'abord il faut détecter chaque humain à sa naissance ou pas beaucoup plus tard, puis lui transmettre par contact, cette charge " extaso-euphorique" qu'il devra gérer toute sa vie durant. La méthode est simple, et très sûre. Et puis je ne suis pas tout seul. Nous avons chacun notre secteur qui correspond en gros à la division des cinq continents : l'Europe, les Amériques, l'Asie, l'Afrique et l'Océanie.

Pour cette tâche individuelle, le Principal utilise un vecteur performant qui ne rate jamais son coup.

Vous vous demandez quoi, et grâce au whisky je vais vous le dire.

Que croisez vous plusieurs fois dans votre vie, où que vous alliez, et quels que soient les cieux ou les latitudes, bébé, enfant, puis ado et enfin adulte ?

Vers qui votre main s'est tendue au moins une fois et a touché ce vivant transmetteur de bonheur ?

Vous donnez votre langue au chat ?

Ben vous avez raison parce qu'il s'agit bien de lui.

Ce félin va vous passer par un simple et unique contact tout le bonheur qui va vous ouvrir aux autres. Vous en voyez de sauvages ou domestiqués, isolés ou en groupe ? Ils sont tous en service commandé.

Ils sont chargés par le Principal de modifier un peu la génétique des hommes le plus tôt possible.

Une fois avoir caressé touché ou frôlé un chat, chacun est irrémédiablement chargé avec une dose d'" extaso-euphorique", savant mélange d'extase, d'euphorie et donc de bonheur.

Vous êtes alors potentiellement prêts à recevoir et à donner.

Mon boulot c'est de vérifier qu'il n'y a pas d'oubli ni de réaction violentes. Car il y a des allergies au bonheur, rares mais réelles.

Et puis après, chacun fait prospérer son potentiel de bonheur, et ceci à sa guise. Beaucoup parviennent à en tirer le maximum, d'autres évitent d'y toucher, certains n'ont même pas conscience de leur capacité à être heureux.

Voila expliqué ce que vous appelez la magie de Noël !

Il ne faut donc pas croire au Père éponyme, mais quand même on peut laisser aux autres cette liberté.

Au début cette charge " extaso-euphorique" ne correspond qu'au besoin de recevoir, c'est la phase un peu écrasante de la découverte de cette impression bizarre qui consiste à garder pour soi tout en ayant quand même une envie non expliquée d'offrir.

La vrai maturité du bonheur vient quand on donne sans réfléchir pour le plaisir de l'autre. Ça peut venir dès la maternelle, je l'ai vu, mais aussi vers la fin, juste avant qu'il soit trop tard . Il n'y a pas de règle.

Le principal nous confie la surveillance de cette transmission, et notre action s’arrête là.

Sur ce, je vais finir cette bouteille !

J'en ai une autre que je garde depuis quarante deux ans, et j'aimerai bien voir si elle n'a pas bougé. Un Mars Single Cask Kansyou-Issiki, un whisky japonais, ça change tout.

Le soleil levant sait aussi lever le coude, et de quelle magistrale manière !

 

Adishatz !

 

 

                                                          Serge JB



06/12/2016
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